Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/256

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verser ses desseins, M. de Courtomieu, est son ami… Je crois que M. d’Escorval peut être sauvé.

— Parlez !… s’écria Maurice. Que faut-il faire ?…

— Prier et attendre, Maurice. Je dois agir seule. Mais soyez sûr que tout ce qui est humainement possible je le ferai, moi, la cause unique de vos malheurs, moi que vous devriez maudire…

Tout entière à la tâche qu’elle s’était imposée, Marie-Anne ne remarquait pas un étranger survenu pendant son absence, un vieux paysan à cheveux blancs.

L’abbé Midon le lui montra.

— Voici un courageux ami, lui dit-il, qui depuis ce matin vous demande et vous cherche partout, pour vous donner des nouvelles de votre père.

Le saisissement de Marie-Anne fut tel qu’à peine on distingua les remercîments qu’elle balbutia.

— Oh ! il n’y a pas à me remercier, fit le brave paysan. Je me suis dit comme ça : « Elle doit être terriblement inquiète, la pauvre fille, il s’agit de la tirer de peine, » et je suis venu. C’est pour vous dire que M. Lacheneur se porte bien, sauf une blessure à la jambe qui le fait beaucoup souffrir, mais qui sera guérie en moins de trois semaines. Mon gendre qui chassait hier, dans la montagne, l’a rencontré près de la frontière en compagnie de deux des conjurés… Maintenant ils doivent être en Piémont, à l’abri des gendarmes…

— Espérons, fit l’abbé Midon, que nous saurons bientôt ce qu’est devenu Jean.

— Je le sais, monsieur le curé, répondit Marie-Anne, mon frère a été grièvement blessé et de braves gens l’ont recueilli.

Elle baissa la tête, près de défaillir sous le fardeau de ses tristesses ; mais bientôt, se redressant :

— Que fais-je !… s’écria-t-elle. Ai-je le droit de penser aux miens quand de ma promptitude et de mon courage dépend la vie d’un innocent follement compromis par eux !…