Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/257

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Maurice, l’abbé Midon et les officiers à demi-solde, entouraient la vaillante jeune fille.

Encore voulaient-ils savoir ce qu’elle allait tenter, et si elle ne courait pas au-devant d’un danger inutile.

Elle refusa de répondre aux plus pressantes questions. On voulait au moins l’accompagner ou la suivre de loin, elle déclara qu’elle irait seule…

— Avant deux heures je serai revenue et nous serons fixés, dit-elle en s’élançant dehors…

Obtenir une audience de M. le duc de Sairmeuse était certes difficile ; Maurice et l’abbé Midon ne l’avaient que trop éprouvé l’avant-veille. Assiégé par des familles éplorées, il se scélait, craignant peut-être de faiblir.

Marie-Anne savait cela, mais elle ne s’en inquiétait pas. Chanlouineau lui avait donné un mot — celui dont il s’était servi­ — qui, aux époques néfastes, ouvre les portes les plus sévèrement et les plus obstinément fermées.

Dans le vestibule de la maison du duc de Sairmeuse, trois ou quatre valets flânaient et causaient.

— Je suis la fille de M. Lacheneur, leur dit Marie-Anne, il faut que je parle à M. le duc, à l’instant même, au sujet de la conspiration…

— M. le duc est absent.

— Je viens pour des révélations.

L’attitude des domestiques changea brusquement.

— En ce cas, suivez-moi, mademoiselle, dit un valet de pied.

Elle le suivit le long de l’escalier et à travers deux ou trois pièces. Enfin, il ouvrit la porte d’un salon, en disant : « Entrez. » Elle entra…

Ce n’était pas le duc de Sairmeuse qui était dans le salon, mais son fils, Martial.

Étendu sur un canapé, il lisait un journal, à la lueur des six bougies d’un candélabre.

A la vue de Marie-Anne, il se dressa tout d’une pièce, plus pâle et plus troublé que si la porte eût livré passage à un spectre.