Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/258

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— Vous !… bégaya-t-il.

Mais il maîtrisa vite son émotion, et en une seconde son esprit alerte eut parcouru tous les possibles.

— Lacheneur est arrêté ! s’écria-t-il. Et vous, sachant quel sort lui réserve la commission militaire, vous vous êtes souvenue de moi. Merci, chère Marie-Anne, merci de votre confiance… je ne la tromperai pas. Que votre cœur se rassure. Nous sauverons votre père, je vous le promets, je vous le jure… Comment ? je ne le sais pas encore… Qu’importe !… Il faudra bien que je le sauve, je le veux !…

Il s’exprimait avec l’accent de la passion la plus vive, laissant déborder la joie qu’il ressentait, sans songer à ce qu’elle avait d’insultant et de cruel.

— Mon père n’est pas arrêté, dit froidement Marie-Anne…

— Alors, fit Martial, d’une voix hésitante, c’est donc… Jean qui est… prisonnier ?

— Mon frère est en sûreté, et il échappera à toutes les recherches s’il survit à ses blessures…

De blême qu’il était, le marquis de Sairmeuse devint rouge comme le feu. Au ton de Marie-Anne, il comprit qu’elle connaissait le duel. Il n’essaya pas de nier, il voulut se disculper :

— C’est Jean qui m’a provoqué, dit-il. Je ne voulais pas… je n’ai fait que défendre ma vie, dans un combat loyal, à armes égales…

Marie-Anne l’interrompit.

— Je ne vous reproche rien, monsieur le marquis, prononça-t-elle.

— Eh bien !… moi, je suis plus sévère que vous… Jean a eu raison de me provoquer, il avait deviné mes espérances… Oui, je m’étais dit que vous seriez ma maîtresse… C’est que je ne vous connaissais pas, Marie-Anne… Je vous croyais comme toutes les autres, vous si chaste et si pure !…

Il cherchait à lui prendre les mains, elle le repoussa avec horreur et éclata en sanglots.