Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/259

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Après tant de coups qui la frappaient sans relâche, celui-ci, le dernier, était le plus terrible et le plus douloureux.

Quelle épouvantable humiliation que cette louange passionnée, et quelle honte ! Ah ! maintenant la mesure était comble. « Chaste et pure, » disait-il. Amère dérision !… Le matin même, elle avait cru sentir son enfant tressaillir dans son sein.

Mais Martial devait se méprendre à la signification du geste de cette infortunée.

— Oh ! je comprends votre indignation, reprit-il, avec une exaltation croissante. Mais si je vous ai dit l’injure, c’est que je veux vous offrir la réparation… J’ai été un fou, un misérable vaniteux, car je vous aime, je n’aime et je ne puis aimer que vous. Je suis marquis de Sairmeuse, j’ai des millions. Marie-Anne, voulez-vous être ma femme ?…

Marie-Anne écoutait, éperdue de stupeur…

Le vertige, à la fin, s’emparait d’elle, et il lui semblait que sa raison vacillait au souffle furieux de toutes ces passions.

Tout à l’heure, c’était Chanlouineau qui, du fond de son cachot, lui criait qu’il mourait pour elle… C’était Martial, maintenant, qui prétendait lui sacrifier ses ambitions et son avenir.

Et le pauvre paysan condamné à mort et le fils du tout-puissant duc de Sairmeuse, enflammés d’un délire semblable, arrivaient pour le traduire, à des expressions pareilles.

Martial, cependant, s’était arrêté. Tout enfiévré d’espérances, il attendait une réponse, un mot, un signe… Mais Marie-Anne demeurait muette, immobile et glacée…

— Vous vous taisez ! reprit-il avec une véhémence nouvelle. Douteriez-vous de ma sincérité ? Non, c’est impossible ! Pourquoi donc ce silence ?… Auriez-vous peur de l’opposition de mon père ?… Je saurai lui arracher son consentement. Que nous importe d’ailleurs sa volonté ! Ai-je besoin de lui ?… Ne suis-je pas mon maître ?