Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/260

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ne suis-je pas riche, immensément riche !… Je ne serais qu’un misérable sot, si j’hésitais entre des préjugés stupides et le bonheur de ma vie…

Il s’efforçait, évidemment, de prévoir toutes les objections, afin de les combattre et de les détruire…

— Est-ce votre famille, qui vous inquiète ? continuait-il. Votre père et votre frère sont poursuivis et la France leur est fermée… Eh bien ! nous quitterons la France et ils viendront vivre près de nous. Jean ne m’en voudra plus, quand vous serez ma femme… Nous nous fixerons en Angleterre ou en Italie… Maintenant, oui, je bénis ma fortune, qui me permettra de vous créer une existence enchantée. Je vous aime… je saurai bien, à force de tendresses, vous faire oublier toutes les amertumes du passé !…

Marie-Anne connaissait assez le marquis de Sairmeuse pour bien comprendre tout ce que révélaient de passion ses propositions inouïes…

Mais pour cela, précisément, elle hésitait à lui dire qu’il avait inutilement dompté les révoltes de son orgueil.

Elle se demandait avec épouvante à quelles extrémités le porteraient les rages de son amour-propre offensé et si elle n’allait pas trouver en lui un ennemi qui ferait échouer toutes ses tentatives.

— Vous ne répondez pas ?… interrogea Martial dont l’anxiété était visible.

Elle sentait bien qu’il fallait répondre, en effet, parler, dire quelque chose, mais elle ne pouvait desserrer les lèvres…

— Je ne suis qu’une pauvre fille, monsieur le marquis, murmura-t-elle enfin… Je vous préparerais, si j’acceptais, des regrets éternels !…

— Jamais !…

— D’ailleurs, vous avez perdu le droit de disposer de vous-même. Vous avez donné votre parole. Mlle Blanche de Courtomieu est votre fiancée…