Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/261

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— Ah !… dites un mot, un seul, et ces engagements que je déteste sont rompus.

Elle se tut. Il était clair que son parti était pris irrévocablement et qu’elle refusait.

— Vous me haïssez donc ? fit tristement Martial.

S’il lui eût été permis de dire toute la vérité, Marie-Anne eût répondu : « Oui. » Le marquis de Sairmeuse lui inspirait une aversion presque insurmontable.

— Je ne m’appartiens pas plus que vous ne vous appartenez, monsieur, prononça-t-elle.

Un éclair de haine, aussitôt éteint, brilla dans l’œil de Martial.

— Toujours Maurice !… dit-il.

— Toujours.

Elle s’attendait à une explosion de colère, il resta calme.

— Allons, reprit-il avec un sourire contraint, il faut que je me rende à l’évidence !… Il faut que je reconnaisse et que j’avoue que vous m’avez fait jouer, à la Rèche, un personnage affreusement ridicule… Jusqu’ici je doutais.

La pauvre fille baissa la tête, rouge de honte jusqu’à la racine des cheveux, mais elle n’essaya pas de nier.

— Je n’étais pas maîtresse de ma volonté, balbutia-t-elle, mon père commandait et menaçait, j’obéissais…

— Peu importe, interrompit-il, votre rôle n’a pas été celui d’une jeune fille…

Ce fut son seul reproche, et encore il le regretta ; soit qu’il crût de sa dignité de ne pas laisser deviner la blessure saignante de son orgueil, soit que véritablement — ainsi qu’il le déclarait plus tard — il ne put prendre sur lui d’en vouloir à Marie-Anne.

— Maintenant, reprit-il, je m’explique votre présence ici. Vous venez demander la grâce de M. d’Escorval.

— Grâce ! non ; mais justice ? Le baron est innocent…

Martial se rapprocha de Marie-Anne, et baissant la voix :