Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/262

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— Si le père est innocent, murmura-t-il, c’est donc le fils qui est coupable !…

Elle recula terrifiée. Il tenait le secret que les juges n’avaient pas su ou n’avaient pas voulu pénétrer. Mais lui, voyant son angoisse, en eut pitié.

— Raison de plus, dit-il, pour essayer de sauver le baron !… Son sang versé sur l’échafaud creuserait entre Maurice et vous un abîme que rien ne comblerait… Je joindrai mes efforts aux vôtres…

Rouge, embarrassée, Marie-Anne n’osa pas remercier Martial. Comment allait-elle reconnaître sa générosité ? En le calomniant odieusement. Ah ! mille fois, elle eût préférer affronter sa colère.

Sans nul doute, il allait donner d’utiles indications, quand un valet ouvrit la porte du salon, et M. le duc de Sairmeuse, toujours en grand uniforme, entra.

— Par ma foi !… s’écria-t-il dès le seuil, il faut avouer que ce Chupin est un limier incomparable, grâce à lui…

Il s’interrompit brusquement, il venait de reconnaître Marie-Anne.

— La fille de ce coquin de Lacheneur !… fit-il, de l’air le plus surpris, que veut-elle ?

Le moment décisif était arrivé. La vie du baron allait dépendre de l’adresse et du courage de Marie-Anne. La conscience de sa terrible responsabilité lui rendit comme par magie tout son sang-froid et même quelque chose de plus.

— On m’a chargée de vous vendre une révélation, monsieur, dit-elle résolument.

Le duc l’examina curieusement, et c’est en riant du meilleur cœur qu’il se laissa tomber et s’étendit sur un canapé.

— Vendez, la belle, répondit-il, vendez !…

— Je ne puis traiter que si je suis seule avec vous, monsieur.

Sur un signe de son père, Martial se retira.

— Vous pouvez parler, maintenant… mam’selle, dit le duc.