Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/264

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Martial n’y jeta qu’un regard, il éclata de rire et s’écria :

— Bien joué !…

— Que dites-vous ?…

— Je dis que Chanlouineau est un rusé compère… Qui diable ! jamais se serait attendu à tant d’astuce, en voyant la face honnête de ce gros gars… Fiez-vous donc après à la mine des gens !…

De sa vie, le duc de Sairmeuse n’avait été soumis à une épreuve si rude.

— Chanlouineau ne mentait donc pas, dit-il à son fils d’une voix étranglée, vous étiez donc un des instigateurs de la rébellion…

La physionomie de Martial s’assombrit, et d’un ton de dédaigneuse hauteur :

— Voici quatre fois déjà, monsieur, fit-il, que vous m’adressez cette question, et quatre fois que je vous réponds : non. Cela devrait suffire. Si la fantaisie m’eût pris de me mêler de ce mouvement, je vous l’avouerais le plus ingénument du monde. Quelles raisons ai-je de me cacher de vous ?…

— Au fait !… interrompit furieusement le duc, au fait !…

— Eh bien !… répondit Martial, reprenant son ton léger, le fait est qu’un brouillon de cette circulaire existe, écrit de ma plus belle écriture sur une grande feuille de mauvais papier… Je me rappelle que cherchant l’expression juste j’ai raturé et surchargé plusieurs mots… Ai-je daté ce brouillon ? Je crois que oui, mais je n’en jurerais pas…

— Conciliez donc cela avec vos dénégations ? s’écria M. de Sairmeuse.

— Parfaitement !… Ne viens-je pas de vous dire que Chanlouineau s’était moqué de moi !…

Le duc ne savait plus que croire. Mais ce qui l’exaspérait plus que tout, c’était l’imperturbable tranquillité de son fils.

— Avouez donc plutôt, dit-il en montrant le poing à