Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/265

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Marie-Anne, que vous vous êtes laissé engluer par votre maîtresse…

Mais cette injure, Martial ne voulut pas la tolérer.

Mlle Lacheneur n’est pas ma maîtresse, déclara-t-il d’un ton impérieux jusqu’à la menace. Il est vrai qu’il ne tient qu’à elle d’être demain la marquise de Sairmeuse !… Laissons les récriminations, elles n’avanceront en rien nos affaires.

Une lueur de raison qui éclairait encore le cerveau de M. de Sairmeuse arrêta sur ses lèvres la plus outrageante réplique.

Tout frémissant de rage contenue, il arpenta trois ou quatre fois le salon ; puis revenant à Marie-Anne, qui restait à la même place, roide comme une statue :

— Voyons, la belle, commanda-t-il, donnez-moi ce brouillon.

— Je ne l’ai pas, monsieur.

— Où est-il ?

— Entre les mains d’une personne qui ne vous le rendra que sous certaines conditions.

— Quelle est cette personne ?

— C’est ce qu’il m’est défendu de vous dire.

Il y avait de l’admiration et de la jalousie, dans le regard que Martial attachait sur Marie-Anne.

Il était ébahi de son sang-froid et de sa présence d’esprit. Où donc puisait-elle cette audace virile, elle autrefois si craintive et qui pour un rien rougissait… Ah ! elle devait être bien puissante, la passion qui donnait à sa voix cette sonorité, cette flamme à ses yeux, tant de précision à ses réponses.

— Et si je n’acceptais pas les… conditions qu’on prétend m’imposer ? interrogea M. de Sairmeuse.

— On utiliserait le brouillon de la circulaire…

— Qu’entendez-vous par là ?…

— Je veux dire, monsieur, que demain, de bon matin, partirait pour Paris un homme de confiance, chargé de mettre ce document sous les yeux de divers personnages, connus pour n’être pas précisément de vos amis.