Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/268

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Le duc se disposait à quitter le salon, Martial le retint d’un signe.

— Réfléchissons encore, dit-il, avant de jeter le manche après la cognée… Notre situation n’est pas sans précédents. Il y a quatre mois de cela, le comte de Lavalette venait d’être condamné à mort. Le roi souhaitait vivement faire grâce, mais son entourage, des ministres, les gens de la cour s’y opposaient de toutes leurs forces… Que fit le roi, qui était le maître, cependant ?… Il parut rester sourd à toutes les supplications, on dressa l’échafaud… et cependant Lavalette fut sauvé !… Et il n’y eut personne de compromis. Pourtant… un geôlier perdit sa place… il vit de ses rentes maintenant.

Marie-Anne devait saisir avidement l’idée si habilement présentée par Martial.

— Oui, s’écria-t-elle, le comte de Lavalette, protégé par une royale connivence, réussit à s’échapper…

La simplicité de l’expédient, l’autorité de l’exemple surtout, devaient frapper vivement le duc de Sairmeuse.

Il garda un moment le silence, et Marie-Anne qui l’observait crut voir peu à peu s’effacer les plis de son front.

— Une évasion, murmurait-il, c’est encore bien chanceux… Cependant, avec un peu d’adresse, si on était sûr du secret…

— Oh ! le secret sera religieusement gardé, monsieur le duc… interrompit Marie-Anne…

D’un coup d’œil, Martial lui recommanda le silence.

— On peut toujours, reprit-il, étudier l’expédient et calculer ses conséquences… cela n’engage à rien. Quand doit être exécuté le jugement ?

M. de Sairmeuse répondit :

— Demain.

Cette terrible réponse n’arracha pas un tressaillement à Marie-Anne. Les angoisses du duc lui avaient donné la mesure de ce qu’elle pouvait espérer et elle voyait que Martial embrassait franchement sa cause.

— Nous n’avons donc que la nuit devant nous, reprit le jeune marquis… Par bonheur il n’est que sept heures