Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/269

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et demie, et jusqu’à dix heures mon père peut se montrer à la citadelle sans éveiller le moindre soupçon…

Il s’interrompit. Ses yeux, où éclatait la plus absolue confiance, se voilaient.

Il venait d’apercevoir une difficulté imprévue, et dans sa pensée presque insurmontable.

— Avons-nous des intelligences dans la citadelle ? murmura-t-il. Le concours d’un subalterne, d’un geôlier ou d’un soldat nous est indispensable.

Il se retourna vers son père, et brusquement :

— Avez-vous, lui demanda-t-il, un homme sur qui on puisse compter absolument ?

— J’ai trois ou quatre espions… on pourrait les tâter…

— Jamais ! le misérable qui trahit ses camarades pour quelques sous, nous trahirait pour quelques louis… Il nous faut un honnête homme, partageant les idées du baron d’Escorval… un ancien soldat de Napoléon, s’il est possible.

Il tomba dans une rêverie profonde, en proie évidemment aux pires perplexités…

— Qui veut agir doit se confier à quelqu’un, murmurait-il, et ici une indiscrétion perd tout !…

De même que Martial, Marie-Anne se torturait l’esprit, quand une inspiration qu’elle jugea divine lui vint.

— Je connais l’homme que vous demandez ! s’écria-t-elle.

— Vous !

— Oui, moi !… À la citadelle !…

— Prenez garde !… Songez bien qu’il nous faut un brave capable de se dévouer et de risquer beaucoup… Il est clair que l’évasion venant à être découverte, les instruments seraient sacrifiés.

— Celui dont je vous parle est tel que vous le voulez… Je réponds de lui.

— Et c’est un soldat ?…

— C’est un humble caporal… Mais par la noblesse de son cœur il est digne des plus hauts grades… Croyez--