Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/279

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Il tournait sur lui-même, très-vite, et par ce mouvement dévidait une longue corde roulée autour de son corps comme du fil sur une bobine…

M. d’Escorval se tâtait, pour s’assurer qu’il était bien éveillé, qu’il n’était pas le jouet d’un de ces rêves décevants, si cruels au réveil, qui bercent les prisonniers de promesses de liberté.

Évidemment cette corde lui était destinée. C’était elle qu’il attacherait à un des tronçons de ses barreaux brisés…

Mais comment cet homme se trouvait-il là, seul ?…

De quelle autorité jouissait-il donc dans la citadelle qu’il avait pu, en dépit de la consigne des sentinelles et des rondes, s’introduire dans cette pièce ?… Il n’était pas soldat, ou du moins il ne portait pas l’uniforme…

Malheureusement, la fente de la cloison était disposée de telle façon que le rayon visuel n’arrivait pas à hauteur d’homme, et quelques efforts que fit le baron, il lui était impossible d’apercevoir le visage de cet ami — il le jugeait tel — dont la bravoure touchait à la folie.

Cet homme, cependant, continuait son mouvement giratoire, et la corde, sur le carreau, près de lui, s’amoncelait en cercle… Il prenait, pour ne la point emmêler les plus grandes précautions.

Incapable de résister à la curiosité qui le peignait, M. d’Escorval était sur le point de frapper à la cloison pour interroger, quand la porte de la chambre où était celui qu’il appelait déjà son sauveur, s’ouvrit avec fracas…

Un homme y pénétra, dont la figure était également hors du champ de l’œil, et qui s’écria avec l’accent de la stupeur :

— Malheureux !… que faites-vous !…

Le baron, foudroyé, faillit tomber en arrière, à la renverse.

— Tout est découvert !… pensait-il.

Point. Celui que M. d’Escorval nommait déjà son ami, n’interrompit seulement pas son opération de dévidage, et c’est de la voix la plus tranquille qu’il répondit :