Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/281

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Maintenant, M. d’Escorval comprenait…

Il ne dormait pas ; c’était le marquis de Courtomieu et Martial de Sairmeuse qui causaient de l’autre côté du mur…

Même, ce pauvre M. de Courtomieu avait été si prestement et si habilement écrasé par Martial, qu’il ne discutait plus.

— Et cette terrible lettre ?… soupira-t-il.

— Marie-Anne l’a remise à l’abbé Midon, qui est venu me trouver en disant : « Ou le duc s’évadera, ou cette lettre sera portée à M. le duc de Richelieu. » J’ai opté pour l’évasion. L’abbé s’est procuré tout ce qui était nécessaire, il m’a donné rendez-vous dans un endroit écarté sur le rempart, il m’a entortillé toute cette corde autour du corps, et me voici…

— Ainsi, vous pensez que si le baron s’échappe on vous rendra la lettre ?…

— Parbleu !…

— Pauvre jeune homme !… détrompez-vous. Le baron sauvé, on vous demandera la vie d’un autre condamné avec les mêmes menaces…

— Point !

— Vous verrez !

— Je ne verrai rien, par une raison fort simple, c’est que j’ai cette lettre dans ma poche… L’abbé Midon me l’a restituée en échange de ma parole d’honneur…

Le cri de M. de Courtomieu prouva qu’il tenait le curé de Sairmeuse pour un peu plus simple qu’il ne convient.

— Quoi !… fit-il, vous tenez la preuve et… Mais c’est de la démence ! Brûlez à la flamme de cette lanterne ce papier maudit, laissez le baron où il est et allez dormir un bon somme.

Le silence de Martial trahit une sorte de stupeur.

— Feriez-vous donc cela, vous, monsieur le marquis ? demanda-t-il.

— Certes !… et sans hésiter…

— Eh bien ! je ne vous en fais pas mon compliment.