Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/295

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À une portée de fusil, il apercevait les toits d’un petit hameau ; il résolut de s’y rendre, projetant de pénétrer dans la première maison par le jardin…

Il approchait, il arrivait à un petit mur de clôture en pierres sèches, quand il entendit un roulement de tambour…

Instinctivement il s’aplatit derrière le petit mur.

Mais ce n’était qu’un de ces « bans » comme en battent les crieurs de village pour amasser le monde.

Aussitôt après une voix s’éleva, claire et perçante, qui arrivait très-distincte à M. Lacheneur.

Elle disait :

« C’est pour vous faire assavoir que les autorités de Montaignac promettent de donner une récompense de vingt mille livres — vous m’entendez bien, vous autres, je dis deux mille pistoles ! — à qui livrera le nommé Lacheneur, mort ou vif. Vous comprenez, n’est-ce pas ?… Il serait mort que la gratification serait la même : vingt mille francs !… On paiera comptant… en or. »

D’un bond, Lacheneur s’était dressé, fou d’épouvante et d’horreur…

Lui qui s’était cru à bout d’énergie, il trouva des forces surnaturelles pour courir, pour fuir…

Sa tête était mise à prix… Cette horrible pensée le transportait de cette frénésie, qui, à la fin, rend si redoutables les bêtes traquées.

De tous les villages, autour de lui, il lui semblait entendre monter des roulements de tambour et la voix du crieur publiant l’infâme récompense.

Où aller, maintenant, qu’il était comme un vivant appât offert à la trahison et à la cupidité !… À quelle créature humaine se confier !… A quel toit demander un abri !…

Et mort, il vaudrait encore une fortune.

Quand il serait tombé d’inanition et d’épuisement sous quelque buisson, quand il y serait crevé comme un chien