Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/304

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lentement, embarrassés qu’ils étaient par leurs lourdes bottes éperonnées, mais obstinément.

En avant marchait Chupin, qui de l’exemple, de la voix et du geste les animait.

Une parole imprudente de ce petit berger qu’il avait questionné venait, il n’y avait pas vingt minutes, de décider du sort de M. Lacheneur.

Revenu à Saint-Pavin et apprenant que les soldats cherchaient le chef des conjurés, cet enfant avait dit au hasard :

— Je l’ai rencontré, moi, sur « les hauts, » il m’a demandé son chemin, et je l’ai vu descendre par le sentier qui passe devant la cabane des Antoine.

Et, à l’appui de son dire, il montrait fièrement la pièce blanche que « le monsieur » lui avait donnée.

— Du coup, s’était écrié Chupin transporté, nous tenons notre homme ! En route, camarades !…

Et maintenant, le petit détachement n’était pas à plus de deux cents pas de la maison où le proscrit avait trouvé asile…

Antoine et sa femme se regardaient, et une angoisse pareille se lisait dans leurs yeux.

Ils voyaient leur hôte irrémissiblement perdu.

— Cependant, il faut le sauver, dit la jolie jeune femme, il le faut…

— Oui, il le faut !… répéta le mari d’un air sombre. On me tuera avant de porter la main sur mon hôte, dans ma maison !…

— S’il se cachait dans le grenier, derrière les bottes de paille…

— On le trouverait… Ces soldats sont pires que des tigres, et le vil gredin qui les mène doit avoir le flair d’un chien de chasse.

Il s’interrompit, pour prendre un parti, et vivement :

— Venez, monsieur !… dit-il, sautons par la fenêtre de derrière et gagnons la montagne… On nous verra… qu’importe !… Ces cavaliers à pied ne doivent pas être lestes… Si vous ne pouvez pas courir, je vous porterai…