Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/306

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Le remords, plus douloureux que le fer rouge, venait de traverser le cœur du misérable, et blême, tremblant, éperdu, il essayait de se dissimuler derrière les soldats.

Lacheneur marcha droit à lui.

— C’est donc toi qui me vends, Chupin, prononça-t-il. Tu n’as pas oublié, je le vois bien, que souvent, l’hiver, Marie-Anne a rempli ta huche vide… et tu te venges !…

Le vieux maraudeur était écrasé, on eût dit qu’il allait tomber à genoux.

Maintenant qu’il avait trahi, il comprenait ce qu’est la trahison…

— Va !… dit encore M. Lacheneur, tu toucheras le prix de mon sang, mais il ne te portera pas bonheur !… traître !…

Mais déjà Chupin, s’indignant de sa faiblesse, relevait la tête, s’efforçant de secouer la frayeur qui l’envahissait.

— Vous avez conspiré contre le roi, dit-il, je n’ai fait que mon devoir en vous dénonçant.

Et se retournant vers les soldats :

— Quant à vous, camarades, soyez sûr que monseigneur le duc de Sairmeuse vous témoignera sa satisfaction…

On avait lié les poignets de Lacheneur, et la petite troupe s’apprêtait à redescendre le sentier, quand un homme parut, ruisselant de sueur, hors d’haleine, la tête nue…

Il faisait presque nuit déjà, cependant M. Lacheneur reconnut Balstain.

Dès qu’il fut à portée de la voix :

— Ah !… vous le tenez !… s’écria-t-il en montrant le prisonnier… C’est à moi que revient la prime… C’est moi qui l’ai dénoncé le premier, de l’autre côté de la frontière, les carabiniers de Saint-Jean-de-Coche en témoigneront… Il devait être pris cette nuit, chez moi, mais il a profité de mon absence, le gueux, le sélé-