Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/307

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rat !… pour séduire ma femme et s’évader… Quand je suis revenu avec les carabiniers, il était parti… Ma femme est au lit, de la correction que je lui ai administrée… Et moi, depuis seize heures, je suis les traces de ce bandit !…

Il s’exprimait avec une violence et une volubilité extraordinaires, la cupidité déçue le jetait hors de soi ; il était comme fou, en songeant que de sa délation il ne recueillait que l’infamie.

— Si vous avez des droits, lui dit le sous-officier, vous les ferez valoir près des autorités…

— Comment, si j’ai des droits !… interrompit Balstain ; qui donc me les conteste ?

Il promenait autour de lui des regards menaçants ; il reconnut Chupin.

— Serait-ce toi ? demanda-t-il. Ose donc soutenir que c’est toi qui as découvert le brigand…

— Oui ! c’est moi qui ai deviné sa retraite.

— Tu mens, imposteur !… vociférait l’aubergiste, tu mens !…

Les soldats ne bougeaient pas ; cette scène les vengea des dégoûts de l’après-midi.

— Du reste, poursuivait Balstain, avec l’emphase des hommes de son pays, que peut-on attendre d’un vil coquin tel que Chupin !… Chacun ne sait-il pas que dix fois au moins il a été obligé de quitter la France pour ses crimes… Où te réfugiais-tu quand tu passais la frontière, Chupin ?… Dans ma maison, dans l’auberge de l’honnête Balstain… On t’y cachait et on t’y nourrissait. Combien de fois t’ai-je sauvé de la potence et des galères ?… Je n’ai pas compté. Et pour me récompenser, tu me voles mon bien, tu t’empares de cet homme qui était à moi !…

— Il est fou !… répétait le vieux maraudeur ahuri, il est fou !…

Alors l’aubergiste changea de tactique.

— Si du moins tu étais raisonnable, reprit-il… Voyons, Chupin, un bon mouvement, pour un vieil ami… Part à