Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/309

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Nul ne semblait s’y douter qu’en ce moment même, M. d’Escorval et le caporal Bavois travaillaient à leur évasion.

XXXII


Seul dans son cachot, après le départ de Marie-Anne, Chanlouineau s’abandonnait au plus affreux désespoir.

Il venait de donner plus que sa vie à cette femme tant aimée.

N’avait-il pas risqué son honneur en simulant, pour obtenir une entrevue, les plus ignobles défaillances de la peur.

Tant qu’il l’avait attendue, tant qu’elle avait été là, il ne songeait qu’au succès de sa ruse… Mais maintenant il ne prévoyait que trop ce que diraient les gardiens.

— Ce Chanlouineau, raconteraient-ils sans doute, n’était après tout qu’un misérable fanfaron… Nous l’avons entendu implorer sa grâce à genoux, promettant de livrer et de faire prendre ses complices.

La pensée que sa mémoire pouvait être flétrie de ces imputations de lâcheté et de trahison, le rendait fou de douleur.

Il souhaitait la mort, qui allait, pensait-il, lui offrir un moyen de réhabilitation.

— On verra bien, disait-il avec rage ; on verra bien demain, en face du peloton d’exécution, si je pâlis et si je tremble !…

Il était dans ces dispositions, quand sa porte s’ouvrit livrant passage au marquis de Courtomieu, qui, après avoir vu lui échapper Mlle Lacheneur, venait s’informer des résultats de sa visite.