Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/312

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Le corridor s’éclairant, il regarda, et à la lueur douteuse des lanternes, il crut voir passer, comme une ombre pâle, Lacheneur, entraîné par des soldats.

Lacheneur !… Était-ce possible !… Il voulut douter de ses sens, il se disait que ce ne pouvait être là qu’une vision de la fièvre qui brûlait son cerveau.

Un peu plus tard il entendit un cri déchirant… Mais qu’avait de surprenant un cri dans une prison où vingt et un condamnés à mort suaient l’agonie de cette effroyable nuit qui précède l’exécution…

Enfin le jour glissa livide et morne le long de la hotte de la fenêtre. Chanlouineau désespéra.

— C’est fini, murmura-t-il, la lettre a été inutile !…

Pauvre généreux garçon… Son cœur eût bondi de joie s’il eût pu jeter un coup d’œil dans la cour de la citadelle…

Il y avait plus d’une heure qu’on avait sonné le réveil, les cavaliers achevaient le pansage du matin, quand deux femmes de la campagne, de celles qui apportent au marché leur beurre et leurs œufs, se présentèrent au poste.

Elles racontaient que passant le long des rochers à pic de la tour plate, elles venaient d’apercevoir une longue corde qui pendait.

Une corde !… Un des condamnés s’était donc évadé !…

On courut à la chambre du baron d’Escorval… elle était vide.

Le baron s’était enfui, entraînant l’homme qui lui avait été donné pour gardien, le caporal Bavois, des grenadiers.

La stupeur fut grande et aussi l’indignation… mais la frayeur fut plus grande encore…

Il n’était pas un des officiers de service qui ne frémit en songeant à sa responsabilité, qui ne vît presque sa carrière brisée.

Qu’allaient dire le terrible duc de Sairmeuse, et le marquis de Courtomieu, bien autrement redouté avec