Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/314

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Mais parmi tous les officiers présents, il y en avait un, c’était un vieux lieutenant décoré, que le ton du duc de Sairmeuse avait profondément blessé.

Il s’avança, d’un air sombre, en disant que tout cela sans doute était bel et bien, mais que le plus pressé était de procéder à une enquête qui, en faisant connaître les moyens d’évasion, révélerait peut-être les complices.

À ce simple mot : enquête, ni le duc de Sairmeuse ni le marquis de Courtomieu n’avaient été maîtres d’un imperceptible tressaillement.

Pouvaient-ils ignorer à combien peu tient le secret des trames les mieux ourdies !

Que fallait-il, ici, pour dégager la vérité des apparences mensongères ? Une précaution négligée, un puéril détail, un mot, un geste, un rien…

Ils tremblèrent que cet officier ne fût un homme d’une perspicacité supérieure, qui avait vu clair dans leur jeu, ou qui, tout au moins, avait des présomptions qu’il était impatient de vérifier.

Non, le vieux lieutenant n’avait aucun soupçon, il avait parlé ainsi au hasard, uniquement pour exhaler son mécontentement. Même son intelligence était si peu subtile qu’il ne remarqua pas le rapide coup d’œil qu’échangèrent le marquis et le duc.

Martial, lui, le surprit, ce regard, et tout aussitôt :

— Je suis de l’avis du lieutenant, prononça-t-il avec une politesse trop étudiée pour n’être pas une raillerie. Oui, il faut ouvrir une enquête… cela est aussi ingénieusement pensé que bien dit.

Le vieil officier décoré tourna le dos en mâchonnant un juron.

— Ce joli coco se fiche de moi, pensait-il, et lui et son père et cet autre pékin mériteraient… mais il faut vivre !…

À s’avancer comme il venait de le faire, Martial sentait fort bien qu’il ne courait pas le moindre risque.

A qui revenait le soin des investigations ?… Au duc et