Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À midi, les portes furent fermées et les troupes prirent les armes.

L’impression fut profonde, terrible, quand les funèbres roulements des tambours annoncèrent les préparatifs de l’épouvantable holocauste.

La consternation et une sorte d’épouvante se répandirent dans la ville ; un silence de mort se fit, qui de proche en proche gagna tous les quartiers ; les rues devinrent désertes et bientôt on put voir chaque habitant fermer ses fenêtres et ses portes…

Enfin, comme trois heures sonnaient, les portes de la citadelle s’ouvrirent et donnèrent passage à quatorze condamnés, qui s’avancèrent lentement, accompagnés chacun d’un prêtre…

Quatorze !… Pris de remords et d’effroi au dernier moment, M. de Courtomieu et le duc de Sairmeuse avaient suspendu l’exécution de six condamnés, et en ce moment même, un courrier emportait vers Paris six demandes de grâce, signées par la commission militaire.

Chanlouineau n’était pas au nombre de ceux pour qui on sollicitait la clémence royale…

Tiré de son cachot, sans avoir appris si oui ou non sa lettre avait été inutile, il comptait avec une poignante anxiété les condamnés…

Il y eut un moment où ses regards eurent une telle expression d’angoisse, que le prêtre qui l’accompagnait se pencha vers lui en murmurant :

— Qui cherchez-vous des yeux, mon fils ?…

— Le baron d’Escorval.

— Il s’est évadé cette nuit.

— Ah !… je mourrai donc content !… s’écria l’héroïque paysan.

Il mourut sans pâlir, comme il se l’était promis, calme et fier, le nom de Marie-Anne sur les lèvres…