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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/319

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XXXIII


Eh bien !… il y eut une femme, une jeune fille, que n’émurent ni ne touchèrent les lamentables scènes dont Montaignac était le théâtre.

Mlle Blanche de Courtomieu demeura souriante comme de coutume, au milieu d’une population en deuil ; ses yeux si beaux restèrent secs pendant que coulaient tant de pleurs.

Fille d’un homme qui, durant une semaine, exerça une véritable dictature, elle n’essaya pas d’arracher au bourreau un seul des malheureux qui furent jetés à la commission militaire.

On avait arrêté sa voiture sur le grand chemin !… Voilà le crime que Mlle de Courtomieu ne pouvait oublier…

Elle n’avait dû qu’à l’intercession de Marie-Anne, de n’être pas retenue prisonnière. Voilà ce qu’il était au-dessus de ses forces de pardonner.

Aussi, est-ce avec l’exagération du ressentiment que le lendemain, en arrivant à Montaignac, elle avait raconté à son père ce qu’elle appelait « ses humiliations, » l’incroyable arrogance de la fille de Lacheneur et l’épouvantable brutalité des paysans.

Et quand le marquis de Courtomieu lui demanda si elle consentirait à déposer contre le baron d’Escorval, elle répondit froidement :

— Je crois que c’est mon devoir, et je le remplirai, quoiqu’il soit pénible.

Elle ne pouvait ignorer, on ne lui laissa pas ignorer que sa déposition serait un arrêt de mort, elle persista,