Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont un peu plus d’éloquence que les articles d’une charte.

C’est seulement lorsque la voiture approcha de Sairmeuse, qu’il s’interrompit.

Il était ému, lui, si peu accessible à l’émotion, en se sentant dans ce pays où il était né, où il avait joué enfant, et dont il n’avait pas eu de nouvelles depuis la mort de sa tante.

Tout avait bien changé, mais les grandes lignes du paysage étaient restées les mêmes, les coteaux avaient gardé leurs ombrages, la vallée de l’Oiselle était toujours riante comme autrefois.

— Je me reconnais, marquis, disait-il avec un plaisir qui lui faisait oublier ses graves préoccupations, je me reconnais !…

Bientôt les changements devinrent plus frappants.

La voiture entrait dans Sairmeuse, et cahotait sur les pavés de la rue unique du village.

Cette rue, autrefois, c’était un chemin qui devenait impraticable dès qu’il pleuvait.

— Eh ! eh !… murmura le duc, c’est un progrès, cela !…

Il ne tarda pas à en remarquer d’autres.

Là où il n’y avait jadis que de tristes et humides masures couvertes de chaume, il voyait maintenant des maisons blanches, coquettes et enviables avec leurs contrevents verts, et leur vigne courant au-dessus de la porte.

Bientôt il aperçut la mairie, une vilaine construction toute neuve, visant au monument, avec ses quatre colonnes et son fronton.

— Jarnibleu !… s’écria-t-il, pris d’inquiétude, les coquins sont capables d’avoir bâti tout cela avec les pierres de notre château !…

Mais la berline longeait alors la place de l’Église, et Martial observait les groupes qui s’y agitaient.

— Que pensez-vous de tous ces paysans, monsieur le duc ? demanda-t-il à son père, leur trouvez-vous la mine