Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/33

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de gens qui préparent une triomphante réception à leur ancien maître ?

M. de Sairmeuse haussa les épaules. Il n’était pas homme à renoncer pour si peu à une illusion.

— Ils ne savent pas que je suis dans cette chaise de poste, répondit-il. Quand ils le sauront….

Des cris de « Vive M. le duc de Sairmeuse ! » lui coupèrent la parole.

— Vous entendez, marquis ? fit-il.

Et tout heureux des cris qui lui donnaient raison, il se pencha à la portière de la voiture, saluant de la main l’honnête famille Chupin, qui courait et criait.

Le vieux maraudeur, sa femme et ses fils, avaient des voix formidables, et il ne tint qu’à M. de Sairmeuse de croire que le pays entier l’acclamait. Il le crut, et lorsque la berline s’arrêta devant la porte du presbytère, il était bien persuadé que le prestige de la noblesse était plus grand que jamais.

Sur le seuil de la cure, Bibiane, la vieille gouvernante, se tenait debout. Elle savait déjà quels hôtes arrivaient à son maître, car la servante du curé est toujours et partout la mieux informée.

— Monsieur le curé n’est pas revenu de l’église, répondit-elle aux questions du duc ; mais si ces messieurs veulent entrer l’attendre, il ne tardera pas à arriver, car il n’a pas déjeuné le pauvre cher homme…

— Entrons !… dit le duc à son fils.

Et guidés par la gouvernante, ils pénétrèrent dans une sorte de salon, où une table était dressée.

D’un coup d’œil, M. de Sairmeuse inventoria cette pièce. Les habitudes de la maison devaient lui dire celles du maître. Elle était propre, pauvre et nue. Les murs étaient blanchis à la chaux ; une douzaine de chaises composaient tout le mobilier ; sur la table, d’une simplicité monastique, il n’y avait que des couverts d’étain.

Ce logis était celui d’un ambitieux ou d’un saint.

— Ces messieurs prendraient peut-être quelque chose ? demanda Bibiane.