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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/321

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Mis en garde, il découvrit vite la froide ambitieuse sous la pensionnaire naïve, il comprit la sécheresse de son âme, ses vanités féroces, son égoïsme, et la comparant à la noble et généreuse Marie-Anne, il ne ressentit pour elle qu’éloignement.

Il lui revint cependant, ou du moins il parut lui revenir, mais uniquement par suite de cette légèreté qui était le fond de son caractère, poussé par cet inexplicable sentiment qui parfois nous détermine aux actions qui nous sont le plus désagréables, et aussi par désœuvrement, par découragement, par désespoir, parce qu’il sentait bien que Marie-Anne était perdue pour lui.

Enfin, il se disait qu’il y avait eu parole échangée entre le duc de Sairmeuse et le marquis de Courtomieu, que lui-même avait promis, que Mlle Blanche était sa fiancée…

Était-ce la peine de rompre des engagements publics ?… Ne faudrait-il pas finir par se marier un jour ?… Pourquoi ne se pas marier ainsi qu’il était convenu ! Autant épouser Mlle de Courtomieu que toute autre, puisqu’il était sûr que la seule femme qu’il eût aimée, la seule qu’il pût aimer, ne serait jamais sienne.

Froid et maître de lui près d’elle, et certain qu’il resterait de même, il lui fut aisé de jouer la comédie merveilleuse de l’amour, avec cette perfection et ce charme que n’atteint jamais, cela est triste à dire, un sentiment vrai.

Son amour-propre, bien qu’il ne fût point fat, y trouvait son compte, et aussi cet instinct de duplicité qui perpétuellement mettait en contradiction ses actes et ses pensées.

Mais pendant qu’il paraissait ne s’occuper que de son mariage, tandis qu’il berçait Mlle Blanche, enivrée, de rêves décevants et des plus doux projets d’avenir, il ne s’inquiétait que du baron d’Escorval.

Qu’étaient devenus, après leur évasion, le baron et le caporal Bavois ?… Qu’étaient devenus tous ceux qui étaient allés les attendre, — Martial le savait, — au bas