Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/336

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cher… Monter la chercher est possible… mais comment redescendre sans qu’elle soit accrochée solidement là haut ?…

Il chercha et trouva, et il poursuivit, se parlant à soi-même, comme s’il y eût eu deux Bavois en un seul ; l’un prompt à la conception, l’autre un peu borné, à qui il était indispensable de tout expliquer par le menu.

— Attention au commandement, caporal, disait-il… Vous allez me raboutir les cinq morceaux de la corde coupée que voici, vous les attachez à votre ceinture et vous remontez à la prison à la force du poignet… Hein ! que dites-vous ?… Que l’ascension est raide et qu’un escalier avec tapis vaudrait mieux que cette ficelle qui pend ! Vous n’êtes pas dégoûté, caporal !… Donc, vous grimpez, et vous voici dans la chambre. Qu’y faites-vous ? Presque rien. Vous détachez la corde fixée à la fenêtre, vous la nouez à celle-ci, et le tout vous donne quatre-vingts bons pieds de chanvre tordu… Alors, au lieu d’assujettir cette longue corde à demeure, vous la passez à cheval autour d’un barreau intact, elle se trouve ainsi doublée, et une fois de retour ici, vous n’avez qu’à tirer un des bouts pour la dépasser là haut… Est-ce compris ?

C’était si bien compris que vingt minutes plus tard le caporal était revenu sur l’étroite corniche, ayant accompli la difficile et audacieuse opération qu’il avait imaginée…

Non sans efforts inouïs, par exemple, non sans s’être mis les mains et les genoux en sang.

Mais il avait réussi à dépasser la corde, mais il était certain maintenant de s’échapper.

Il riait, oui, il riait de bon cœur, de ce rire muet qui lui était habituel.

L’anxiété, puis la joie lui avaient fait oublier M. d’Escorval ; le souvenir qui lui en revint, lui fut douloureux comme un remords.

— Pauvre homme, murmura-t-il… Je sauverai ma