Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/342

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— Quoi !… monsieur le curé, interrompit un des officiers, vous voulez que nous cherchions un brancard à cette heure aux environs !

— Il le faut.

— Mais cela ne va pas manquer d’éveiller des soupçons.

— Assurément.

— La police de Montaignac nous suivra à la piste.

— J’y compte bien.

— Le baron sera repris…

— Non.

L’abbé s’exprimait de ce ton bref et impérieux de l’homme qui assumant toute la responsabilité d’une situation, veut être obéi sans discussion.

— Une fois le baron déposé chez Poignot, reprit-il, l’un de vous, messieurs, prendra sur le brancard la place du blessé, les autres le porteront, et tous ensemble vous tâcherez de gagner le territoire piémontais. Seulement, entendons-nous bien. Arrivés à la frontière, mettez toute votre adresse à être maladroits, cachez-vous, mais de telle façon qu’on vous voie partout…

Tout le monde, maintenant, comprenait le plan si simple du prêtre.

De quoi s’agissait-il ?… simplement de créer une fausse piste destinée à égarer les agents que lanceraient M. de Courtomieu et le duc de Sairmeuse.

Du moment où il paraîtrait bien prouvé que le baron avait été aperçu dans les montagnes, il serait en sûreté chez Poignot…

— Encore un mot, messieurs, ajouta l’abbé. Il importe de donner au cortège du faux blessé toutes les apparences de la suite qui eût accompagné M. d’Escorval… Mlle Lacheneur vous suivra donc, et aussi Maurice. On sait que je ne quitterais pas le baron, qui est mon ami, et ma robe me désigne à l’attention ; l’un de vous revêtira ma robe… Dieu nous pardonnera ce travestissement en faveur du motif…

Il ne s’agissait plus que de se procurer le brancard, et