Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/346

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Après cela, le reste de leur tâche, qui consistait à créer une fausse piste jusqu’à la frontière, leur paraissait un véritable jeu d’enfants.

Ils ne songeaient en vérité qu’au bon tour qu’il jouaient au duc de Sairmeuse et au marquis de Courtomieu.

Et ils riaient à l’idée de la besogne et de la déception qu’ils préparaient à la police de Montaignac.

Mais toutes ces précautions étaient bien inutiles. En cette occasion éclatèrent les sentiments véritables de la contrée, et on put voir que les espérances de Lacheneur n’étaient pas sans quelque fondement.

La police ne découvrit rien ; elle ne connut pas un détail de l’évasion ; elle n’apprit pas une circonstance de ce voyage de plus de trois lieues, en plein jour, de six personnes portant un blessé sur un brancard.

Parmi les deux mille paysans qui crurent bien que c’était le baron d’Escorval qu’on portait ainsi, il ne se trouva pas un délateur, il ne se rencontra pas même un indiscret.

Cependant, en approchant de la frontière qu’ils savaient strictement surveillée, les fugitifs devinrent circonspects.

Ils attendirent que la nuit fût venue, avant de se présenter à une auberge isolée qu’ils avaient aperçue, et où ils espéraient trouver un guide pour franchir les défilés des montagnes.

Une affreuse nouvelle les y avait devancés.

L’aubergiste qui leur ouvrit leur apprit les sanglantes représailles de Montaignac.

De grosses larmes coulaient de ses yeux, pendant qu’il racontait les détails de l’exécution, qu’il tenait d’un paysan qui y avait assisté.

Heureusement ou malheureusement, cet aubergiste ignorait l’évasion de M. d’Escorval et l’arrestation de M. Lacheneur…

Mais il avait connu particulièrement Chanlouineau, et