Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/349

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— Mais j’ai de l’argent, interrompit Maurice, en débouclant une ceinture pleine d’or qu’il avait placée sous ses habits le soir du soulèvement.

— Eh !… que ne le disiez-vous !… Nous sommes des bons, cela étant… Donnez, j’aurai vite trouvé quelque bicoque aux environs…

Il s’éloigna, et ne tarda pas à reparaître affublé d’un costume de paysan qu’on eût dit fait pour lui. Sa figure maigre disparaissait sous un immense chapeau…

— Maintenant, pas accéléré, en avant, marche !… dit-il à Maurice et à Marie-Anne qui le reconnaissaient à peine.

Le village où ils arrivaient, le premier après la frontière, s’appelait Saliente. Ils lurent ce nom sur un poteau.

La quatrième maison était une hôtellerie, « Au Repos des Voyageurs. » Ils y entrèrent, et d’un ton bref commandèrent à la maîtresse de conduire la jeune dame à une chambre et de l’aider à se coucher.

On obéit, et Maurice et le vieux soldat passant dans la salle commune, demandèrent quelque chose à manger.

On les servit, mais les regards qu’on arrêtait sur eux n’étaient rien moins que bienveillants. Évidemment, on les tenait pour très-suspects.

Un gros homme, qui semblait le patron de l’hôtellerie, rôda autour d’eux un bon moment, les examinant du coin de l’œil, et finalement il leur demanda leurs noms.

— Je me nomme Dubois, répondit Maurice sans hésiter, je voyage pour mon commerce, avec ma femme qui est là-haut et mon fermier que voici…

Cette vivacité heureuse décida un peu l’hôtelier, et atteignant un petit registre crasseux il se mit à y consigner les réponses.

— Et quel commerce faites-vous ? interrogea-t-il encore.

— Je viens dans votre sacré pays de curieux pour