Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chanlouineau, condamné à mort, lui avait remis une lettre en lui disant :

— Vous la lirez quand je ne serai plus…

Elle pouvait la lire, maintenant qu’il était tombé sous les balles !… Mais qu’était-elle devenue ?… Depuis le moment où elle l’avait reçue elle n’y avait pas pensé…

Elle se souleva, et d’une voix brève :

— Ma robe !… demanda-t-elle à la vieille assise près du lit, donnez-moi ma robe !…

La vieille obéit, et d’une main fiévreuse Marie-Anne palpa la poche.

Elle eut une exclamation de joie, elle sentait un froissement sous l’étoffe, elle tenait la lettre.

Elle l’ouvrit, la lut lentement à deux reprises et, se laissant retomber sur son oreiller, fondit en larmes…

Inquiet, Maurice s’approcha.

— Qu’avez-vous, mon Dieu !… demanda-t-il d’une voix émue.

Elle lui tendit la lettre en disant :

— Lisez.

Chanlouineau n’était qu’un pauvre paysan.

Toute son instruction lui venait d’un vieil instituteur de campagne, dont il avait fréquenté l’école pendant trois hivers, et qui s’inquiétait infiniment moins de l’application de ses élèves que de la grosseur de la bûche qu’ils apportaient chaque matin.

Sa lettre, écrite sur le papier le plus commun, avait été fermée avec un de ces maîtres pains à cacheter, larges et épais comme une pièce de deux sous, que l’épicier de Sairmeuse débitait au quarteron.

Pénible était l’écriture. Lourde et toute tremblée, elle trahissait la main roide de l’homme qui a manié la bêche plus que la plume.

Les lignes s’en allaient en zig-zag, vers le haut ou vers le bas de la page, et les fautes d’orthographes s’y enlaçaient…

Mais si l’écriture était d’un paysan vulgaire, la pensée