Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/357

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— C’est bien quelque chose comme cela que je devinais, dit-il. Croyez-moi, monsieur… Dubois, ne vous attardez pas ici. Ce que j’ai vu, d’autres peuvent le voir. Et surtout ne prévenez pas votre hôtelier de votre départ. Il n’a pas été dupe de vos explications. L’intérêt seul lui a fermé la bouche. Il vous a vu de l’or, tant que vous en dépenserez chez lui, il se taira… s’il vous savait à la veille de lui échapper, il parlerait peut-être…

— Eh !… monsieur, comment partir ?…

— Dans deux jours la jeune dame sera sur pied, interrompit le docteur.

Il parut se recueillir, ses yeux se voilèrent comme si la situation de Maurice lui eût rappelé de cruels souvenirs, et d’une voix profonde il ajouta :

— Et croyez-moi… Au prochain village arrêtez-vous et donnez votre nom à Mlle Lacheneur.

Une telle surprise se peignit sur les traits de Maurice, que le médecin dut supposer qu’il s’expliquait mal.

— Je veux dire, insista-t-il, avec une certaine amertume, qu’un honnête homme ne peut hésiter à épouser au plus tôt cette malheureuse jeune fille.

Le conseil avait paru presque ridicule à Maurice ; la leçon l’irrita.

— Eh ! monsieur, s’écria-t-il, avez-vous réfléchi à ce que vous me conseillez ! Comment voulez-vous que moi, proscrit, condamné à mort peut-être, je me procure les pièces qu’on exige pour un mariage !…

Le médecin hochait la tête.

— Permettez !… Vous n’êtes plus en France, monsieur d’Escorval, vous êtes en Piémont…

— Raison de plus…

— Non, parce qu’en ce pays on se marie encore, on peut se marier du moins, sans toutes les formalités qui vous préoccupent.

Maurice était devenu attentif.

— Est-ce possible !… exclama-t-il.

— Oui !… qu’un prêtre se trouve, qui consente à votre union, à vous inscrire sur le registre de sa paroisse et à