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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/368

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Il vit Martial de Sairmeuse, ivre de colère, jeter à la face du marquis de Courtomieu la lettre de Maurice d’Escorval.

On eût cru que rien de tout cela ne le touchait, tant il restait froid et immobile, pâle, les lèvres pincées, les yeux baissés… Mais ces apparences mentaient. Son cœur se dilatait en une espèce de jouissance, et s’il baissait les yeux, c’est qu’il ne voulait pas qu’on pût voir quelle joie immense y éclatait.

Jamais il n’eût osé souhaiter une vengeance si prompte ni surtout si terrible.

Et cependant ce n’était rien encore…

Après avoir écarté brutalement Blanche, sa jeune femme, qui s’opposait à sa sortie, qui s’accrochait désespérément à ses vêtements, Martial reprit le bras de Jean Lacheneur.

— Arrivez !… lui dit-il d’une voix frémissante. Suivez-moi !…

Jean le suivit.

Ils traversèrent de nouveau la grande galerie, au milieu des invités pétrifiés ; mais, au lieu de gagner le vestibule, Martial s’empara d’un candélabre allumé sur une console et ouvrit une petite porte qui donnait sur un escalier de service.

— Où me conduisez-vous ?… demanda Jean Lacheneur.

Martial, qui avait déjà gravi deux ou trois marches, se retourna :

— Avez-vous donc peur ? fit-il.

L’autre haussa les épaules, et froidement :

— Si vous le prenez ainsi, prononça-t-il, montons.

Ils montèrent au second étage du château et arrivèrent à un appartement à demi démeublé, où tout était en désordre.

C’était l’appartement de garçon de Martial. La veille au soir, il avait bien cru qu’il y couchait pour la dernière fois.

Cet appartement, autrefois, était celui de Jean Lache-