Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/369

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neur lorsqu’il venait passer les vacances près de son père, et rien n’y avait été changé. Il reconnaissait les rideaux à ramages, les grandes rosaces du tapis et jusqu’au vieux fauteuil où il avait lu tant de romans en cachette.

Dès qu’ils furent entrés, Martial courut à un petit secrétaire resté dans un angle, le brisa plutôt qu’il ne l’ouvrit et prit dans un tiroir un papier plié fort menu qu’il glissa dans sa poche.

Bien qu’il parût agir dans la plénitude de sa volonté, un observateur eût été effrayé de ses mouvements saccadés, de sa pâleur et de l’éclat de ses yeux. Les fous, quand ils paraissent se conduire le plus raisonnablement, se trahissent par un extérieur pareil.

— Maintenant, dit-il, partons… Il faut éviter une scène ; mon père et… ma femme me cherchent sans doute… Nous nous expliquerons dehors.

Ils descendirent en toute hâte, sortirent par les jardins et eurent bientôt atteint la longue avenue de Sairmeuse.

Alors Jean Lacheneur s’arrêta court.

— Venir si loin pour un oui ou un non, était je crois inutile, dit-il. Enfin, vous l’avez voulu. Que dois-je répondre à Maurice d’Escorval ?

— Rien ! Vous allez me conduire près de lui.

— Vous ?…

— Oui, moi !… Il faut que je le voie, que je lui parle, que je me justifie… Marchons !

Mais Jean Lacheneur ne bougea pas.

— Ce que vous me demandez est impossible, prononça-t-il.

— Pourquoi ?

— Parce que Maurice est poursuivi. S’il était pris, il serait traduit devant la Cour prévôtale et sans doute condamné a mort. Il se cache, il a trouvé une retraite sûre, je n’ai pas le droit de la faire connaître.

En fait de retraite sûre, Maurice n’avait alors que le