Aller au contenu

Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bois voisin, où, en compagnie du caporal Bavois, il attendait le retour de Jean.

Mais Jean n’avait pu résister à la tentation de prononcer cette réponse, plus insultante que s’il eût dit simplement :

— Nous craignons les délateurs !…

La preuve que Martial n’était pas soi, c’est que lui si fier, si violent, il ne releva pas l’outrage.

— Vous vous défiez de moi !… fit-il tristement.

Jean Lacheneur se tut, nouvelle offense.

— Cependant, insista Martial, après ce que vous venez de voir et d’entendre, vous ne pouvez plus me soupçonner d’avoir coupé les cordes que j’ai portées au baron d’Escorval.

— Non… Je suis persuadé que vous êtes innocent de cette atroce lâcheté.

— Vous avez vu comment j’ai puni celui qui a osé compromettre l’honneur du nom de Sairmeuse… Et celui-là, cependant, est le père de la jeune fille que j’ai épousée aujourd’hui même…

— J’ai vu !… mais je vous répondrai quand même : impossible !

Véritablement, Jean était stupéfait de la patience, — il faut dire plus, — de l’humble résignation de Martial.

Au lieu de se révolter, Martial tira de sa poche le papier qu’il était allé prendre à son appartement, et le tendant à Jean :

— Ceux qui m’infligent cette honte qu’on doute de ma parole, seront châtiés, dit-il d’une voix sourde… Vous ne croyez pas à ma sincérité, Jean, en voici une preuve que je comptais remettre a Maurice et qui vous rassurera…

— Qu’est-ce que cette preuve ?…

— Le brouillon écrit de ma main, en échange duquel mon père a favorisé l’évasion du baron d’Escorval… Un inexplicable pressentiment m’a empêché de brûler cette pièce compromettante… je m’en réjouis aujourd’hui.