Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/387

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rant de son corsage la lettre de rupture, elle la tendit à M. de Sairmeuse en disant :

— Veuillez prendre connaissance de ceci, monsieur le duc.

D’un seul coup d’œil il lut, et son saisissement fut tel qu’il ne trouva même pas un juron.

— Incompréhensible !… balbutia-t-il ; inimaginable !…

— Inimaginable, en effet !… répéta la jeune femme d’un ton triste, mais sans amertume… Je suis mariée d’hier et me voici abandonnée… Il eût été généreux de réfléchir la veille et non le lendemain… Dites pourtant à Martial que je lui pardonne d’avoir brisé ma vie, d’avoir fait de moi la plus misérable des créatures… Je lui pardonne aussi cette insulte suprême de me parler de sa fortune… Je souhaite qu’il soit heureux. Allons… Adieu, monsieur le duc, nous ne nous reverrons plus… Adieu !…

Elle prit le bras de son père et ils allaient se retirer… M. de Sairmeuse, qui s’était un peu remis, n’eut que le temps de se jeter devant la porte.

— Vous ne partirez pas ainsi !… s’écria-t-il, je ne le souffrirai pas… Attendez au moins que j’aie vu Martial, il n’est peut-être pas coupable autant que vous le croyez…

— Oh ! assez !… interrompit le marquis, assez !…

Il dégagea de son bras, le bras de sa fille, et d’une voix affaiblie :

— À quoi bon des explications !… poursuivit-il. Hélas !… il est de ces outrages qui ne se réparent pas… Puisse votre conscience vous pardonner comme je vous pardonne moi-même… Adieu !…

Cela fut dit si parfaitement, avec une intonation si juste et un tel accord de gestes, que M. de Sairmeuse en fut ébloui.

C’est d’un air absolument ahuri qu’il regarda s’éloigner le marquis et sa fille, et ils étaient déjà loin quand il s’écria :

— Cafard !… me croit-il sa dupe !…