Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

française : la fidélité à la parole jurée et une admirable bravoure.

Il trouvait tout naturel que Martial se battît avec Maurice… Il jugeait ignoble ce fait d’envoyer des soldats saisir un ennemi loyal et confiant.

— C’est la seconde fois, poursuivit Martial, que ce misérable essaie de déshonorer le nom de Sairmeuse… Pour qu’on me croie, quand je l’affirmerai, il faut que je rompe avec sa fille… j’ai rompu. Je ne le regrette pas, puisque je ne l’avais vraiment épousée que par condescendance pour vous, par faiblesse, parce qu’il faut se marier et que toutes les femmes, hormis une seule que je ne puis avoir, ne me sont rien…

Mais cela ne rassurait pas le duc de Sairmeuse.

— C’est fort joli ce galimatias sentimental, dit-il ; vous n’en avez pas moins perdu la fortune politique de notre maison.

Un fin sourire glissa sur les lèvres de Martial :

— Je crois au contraire que je la sauve, dit-il. Ne nous abusons pas, toute cette affaire du soulèvement de Montaignac est abominable, et vous devez bénir l’occasion qui vous est offerte de dégager votre responsabilité. Avec un peu d’adresse, vous pouvez rejeter tout l’odieux des représailles sur le marquis de Courtomieu et ne garder pour vous que le prestige du service rendu…

Le duc se déridait, il entrevoyait le plan de son fils.

— Jarnibieu !… marquis, s’écria-t-il, savez-vous que c’est une idée cela !… Savez-vous que dès maintenant, je crains infiniment moins le Courtomieu ?…

Martial était devenu pensif.

— Ce n’est pas lui que je crains, murmura-t-il, mais sa fille… ma femme.