Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/397

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elle !… Sa réputation seule la mettait à l’abri de tout soupçon…. Et nature droite et loyale, elle se révoltait de ce continuel mensonge ; elle s’indignait de voler ainsi son renom de sagesse et de vertu.

— La honte, pensait-elle, n’en sera que plus grande quand tout se découvrira !…

Ses angoisses étaient affreuses. Que faire ?… Avouer ! Elle l’eût osé les premiers jours ; maintenant, elle ne s’en sentait pas le courage.

Fuir ?… mais où aller ?… Quel prétexte donner ensuite ?… Ne perdrait-elle pas ainsi cet avenir avec Maurice dont l’espoir seul la soutenait !

Elle songeait à fuir cependant, quand un événement lui vint en aide, qui lui sembla le salut.

L’argent manquait à la ferme… Les proscrits ne pouvaient rien tirer du dehors, sous peine de se livrer, et le père Poignot était à bout de ressources…

L’abbé Midon se demandait comment sortir d’embarras, quand Marie-Anne lui parla du testament de Chanlouineau en sa faveur, et de l’argent caché sous la pierre de la cheminée de la belle chambre.

— Je puis sortir de nuit, disait Marie-Anne, courir à la Borderie, m’y introduire, prendre l’argent et l’apporter ici… Il est bien à moi, n’est-ce pas ?

Mais le prêtre, après un moment de réflexion, jugea cette démarche impossible.

— Vous seriez peut-être vue, dit-il, et qui sait ?… arrêtée. On vous interrogerait… quelles explications plausibles donner ? Sans compter que les scellés doivent avoir été mis partout. Les briser, ce serait donner l’idée qu’un vol a été commis, c’est-à-dire éveiller l’attention.

— Que faire, alors !

— Agir au grand jour. Vous n’êtes nullement compromise, vous ; reparaissez demain comme si vous reveniez du Piémont, allez trouver le notaire de Sairmeuse, faites-vous mettre en possession de votre héritage, et installez-vous à la Borderie…

Marie-Anne frissonnait…