Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/398

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— Habiter la maison de Chanlouineau, bégaya-t-elle, moi… toute seule !…

Si le prêtre aperçut le trouble de la malheureuse, il n’en tint compte.

— Visiblement le ciel nous protège, ma chère enfant, reprit-il. Je ne vois que des avantages à votre installation à la Borderie, et pas un inconvénient. Nos communications seront faciles, et avec quelques précautions, sans danger. Nous choisirons avant votre départ un point de rendez-vous, et deux ou trois fois par semaine, vous vous y rencontrerez avec le père Poignot…

L’espérance brillait dans ses yeux, et plus vite, il poursuivit :

— Et dans l’avenir, dans deux ou trois mois, vous nous serez plus utile encore… Dès qu’on sera accoutumé dans le pays à votre séjour à la Borderie, nous y transporterons le baron. Sa convalescence y sera bien plus rapide que dans le grenier étroit et bas où nous le cachons et où il souffre véritablement du manque d’air et d’espace…

Il parlait si vite, que Marie-Anne n’avait pu seulement ouvrir la bouche. Comme il s’arrêtait, elle hasarda une objection :

— Que pensera-t-on de moi, balbutia-t elle, en me voyant m’établir comme cela, tout à coup, dans les biens d’un homme qui n’était pas mon parent ?…

Le prêtre ne voulut pas comprendre l’appréhension de Marie-Anne.

— Que voulez-vous qu’on pense, fit-il, que vous importe l’opinion ?…

Et après une pause :

— Pour vous-même, ma pauvre enfant, prononça-t-il, sortir d’ici où vous vivez enfermée est indispensable… ce vous sera un bienfait, de vous retrouver au grand air, libre, seule…

Le ton de l’abbé, l’expression de son visage, ses regards parurent si étranges à Marie-Anne, qu’elle devint