Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour prendre son élan, l’oreille au guet, le regard défiant… Ce n’est pas qu’il craignit les gardes, mon Dieu ! ni un procès-verbal ; seulement, dès qu’il sortait, il lui semblait voir Balstain marchant dans son ombre, son couteau ouvert à la main…

Reconnaissant Mme Blanche de loin, il voulut se jeter sous bois, mais elle le prévint, et enflant la voix à cause de la distance.

— Père Chupin !… cria-t-elle.

Le vieux maraudeur parut hésiter, mais il s’arrêta, laissant glisser jusqu’à terre la crosse de son fusil, et il attendit.

Tante Médie était devenue toute pâle de saisissement.

— Doux Jésus ! murmura-t-elle en serrant le bras de sa nièce, pourquoi appeler ce vilain homme !…

— Je veux lui parler.

— Comment, toi, Blanche, tu oserais…

— Il le faut.

— Non, je ne puis souffrir cela, je ne dois pas…

— Oh !… assez, interrompit là jeune femme, avec un de ces regards impérieux qui fondaient comme cire les volontés de la parente pauvre, assez, n’est-ce pas…

Et plus doucement :

— J’ai besoin de causer avec lui, ajouta-t-elle. Toi, pendant ce temps, tante Médie, tu vas te tenir un peu à l’écart… Regarde bien de tous les côtés… Si tu apercevais quelqu’un, n’importe qui, tu m’appellerais… Allons, va, tante, fais cela pour moi.

La parente pauvre, comme toujours, se résigna et obéit, et Mme Blanche s’avança vers le vieux braconnier qui était resté en place, aussi immobile que les troncs d’arbres qui l’entouraient…

— Eh bien !… mon brave père Chupin, commença-t-elle dès qu’elle fut à quatre pas de lui, vous voici donc en chasse…

— Qu’est-ce que vous me voulez !… interrompit-il brusquement, car vous me voulez quelque chose, n’est-ce pas, vous avez besoin de moi ?…