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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/413

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Le traître cherchait des objections, mais il était ébranlé.

— Hum !… grommela-t-il, jamais il ne faut dire : « Fontaine je ne boirai pas de ton eau. » Enfin, si je vous aidais, que m’en reviendrait-il ?

— Je vous donnerai ce que vous me demanderez, de l’argent, de la terre, une maison…

— Grand merci !… Je veux autre chose.

— Quoi ? Faites vos conditions.

Chupin se recueillit un moment, puis d’un air grave :

— Voici la chose, répondit-il. J’ai des ennemis, un surtout… bref, je ne me sens pas en sûreté dans ma masure ; mes fils me cognent quand j’ai bu, pour me voler ; ma femme est bien capable d’empoisonner mon vin ; je tremble pour ma peau et pour mon argent… Cette existence ne peut durer. Promettez-moi un asile au château de Courtomieu après l’affaire, et je suis à vous… Chez vous, je serai gardé, et j’oserai boire à ma soif et autrement que d’un œil. Mais, entendons-nous, je ne veux pas être maltraité par les domestiques comme à Sairmeuse…

— Il sera fait ainsi que vous le désirez.

— Jurez-moi cela sur votre part de paradis.

— Je le jure !

Tel était l’accent de sincérité de la jeune femme, que Chupin en fut rassuré. Il se pencha vers elle, et d’une voix sourde :

— Maintenant, fit-il, contez-moi votre affaire.

Ses petits yeux étincelaient d’une infernale audace, ses lèvres minces se serraient sur ses dents aiguës, il s’attendait à quelque proposition de meurtre, et il était prêt.

Cela ressortait si clairement de son attitude, que Mme Blanche en frissonna.

— Véritablement, reprit-elle, ce que j’attends de vous n’est rien. Il ne s’agit que d’épier, de surveiller adroitement le marquis de Sairmeuse, Martial…

— Votre mari ?