Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/414

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— Oui… mon mari. Je veux savoir ce qu’il devient, ce qu’il fait, où il va, quelles personnes il voit. Il me faut l’emploi de son temps, de tout son temps, minute par minute.

On eût dit, à voir la figure étonnée de Chupin, qu’il tombait des nues.

— Quoi !… bégaya-t-il, sérieusement, franchement, c’est tout ce que vous demandez ?

— Pour l’instant, oui, mon plan n’est pas fait. Plus tard, selon ce que vous me rapporterez, j’agirai…

La jeune femme ne mentait qu’à demi.

Entre tous les projets de vengeance qui s’étaient présentés à son esprit, elle hésitait encore.

Ce qu’elle taisait, c’est qu’elle ne faisait épier Martial que pour arriver à Marie-Anne. Elle n’avait pas osé prononcer devant le traître le nom de la fille de Lacheneur. Ayant livré le père au bourreau, n’hésiterait-il pas à s’attaquer à la fille. Mme Blanche le craignait.

— Une fois qu’il sera engagé, pensait-elle, ce sera tout différent.

Cependant le vieux maraudeur était remis de sa surprise.

— Vous pouvez compter sur moi, dit-il, mais il me faut un peu de temps…

— Je le comprends… Nous sommes aujourd’hui samedi, jeudi saurez-vous quelque chose ?…

— Dans cinq jours ?… Oui, probablement.

— En ce cas, soyez ici jeudi ; à cette heure-ci, vous m’y trouverez…

Un cri de tante Médie l’interrompit.

— Quelqu’un !… dit-elle à Chupin. Il ne faut pas qu’on nous voie ensemble, vite, sauvez-vous.

D’un bond, l’ancien braconnier franchit l’allée et disparut dans un taillis.

Il était temps, un domestique de Courtomieu venait d’arriver près de tante Médie, et Mme Blanche le voyait, de loin, parler avec une grande animation.

Rapidement elle s’avança.