Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/415

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— Ah ! mada… c’est-à-dire mademoiselle, s’écria le domestique, voici plus de trois heures qu’on vous cherche partout… votre père, M. le marquis, mon Dieu ! quel malheur !… on est allé quérir le médecin.

— Mon père est mort !…

— Non, mademoiselle, non, seulement… comment vous dire cela !… Quand M. le marquis est parti, ce matin, pour surveiller les façons de ses vignes, il était tout chose, n’est-ce pas, tout drôle… Eh bien !… quand il est revenu…

Du bout de l’index, tout en parlant, le domestique se touchait le front.

— Vous m’entendez bien, n’est-ce pas, quand il est rentré, la raison n’y était plus… partie… envolée !…

— Courons !… interrompit Mme Blanche.

Et sans attendre tante Médie terrifiée, elle s’élança dans la direction du château.

— M. le marquis ? demanda-t-elle au premier valet qu’elle aperçut sous le vestibule.

— Il est dans sa chambre, mademoiselle ; on l’a couché, il est un peu plus tranquille, maintenant.

Déjà la jeune femme arrivait à la chambre du marquis.

Il était assis sur son lit, les manches de sa chemise arrachées, et deux domestiques guettaient ses mouvements.

Sa face était livide, avec de larges marbrures bleuâtres aux joues… Ses yeux roulaient égarés sous leurs paupières bouffies, et une écume blanchâtre frangeait ses lèvres. Des mèches de cheveux rares collées sur son front ajoutaient encore à l’effrayante expression de sa physionomie.

La sueur, à grosses gouttes, coulait de son visage, et cependant il grelottait. Par moment, un spasme le tordait et le secouait plus rudement que le vent de décembre ne tord et ne secoue les branches mortes.

Il gesticulait furieusement, en criant des paroles incohérentes, d’une voix tour à tour sourde ou éclatante.