Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/438

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Elle n’y trouva pas l’honnête fermier, mais l’abbé Midon, fort inquiet de son absence.

C’était la nuit, mais Marie-Anne, heureusement, savait la lettre de Martial par cœur.

L’abbé la lui fit réciter à deux reprises, très-lentement la seconde fois, et quand elle eut terminé :

— Ce jeune homme, dit le prêtre, a les vices et les préjugés de sa naissance et de son éducation, mais son cœur est noble et généreux.

Et comme Marie-Anne exposait ses soupçons :

— Vous vous trompez, mon enfant, interrompit-il, le marquis est certainement sincère. Ne pas profiter de sa générosité, serait une faute… à mon avis, du moins. Confiez-moi cette lettre, nous nous consulterons, le baron et moi, et demain je vous dirai notre décision…

Marie-Anne s’éloigna, toute agitée, et s’indignant de son agitation.

L’abbé, cet homme de tant d’expérience, et si froid, avait été ému des procédés de Martial et les avait admirés. Il l’avait loué avec une sorte d’enthousiasme, et il était allé jusqu’à dire que ce jeune marquis de Sairmeuse, comblé déjà de tous les avantages de la naissance et de la fortune, cachait peut-être, sous son insouciance affectée, un génie supérieur…

Elle s’arrêtait complaisamment à ces éloges de l’abbé, puis, tout à coup, s’en irritant :

— Eh ! que m’importe !… répétait-elle, que m’importe !…

L’abbé Midon l’attendait avec une impatience fébrile, quand elle le rejoignit, vingt-quatre heures plus tard.

— M. d’Escorval est entièrement de mon avis, lui dit-il, nous devons nous abandonner au marquis de Sairmeuse. Seulement, le baron, qui est innocent, ne peut pas, ne veut pas accepter de grâce. Il demande la révision de l’inique jugement qui l’a condamné.

Encore qu’elle dût pressentir cette détermination, Marie-Anne parut stupéfiée.