Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/465

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— Et tante Médie !… s’écria-t-elle.

La parente pauvre était là ; pareille à ces chiens que leurs maîtres laissent à la porte des maisons où ils entrent, elle avait vu sortir sa nièce, portée par le vieux maraudeur, et instinctivement elle avait suivi.

— Il ne s’agit pas de causer, dit Chupin aux deux femmes, rentrez, je vais vous conduire.

Et prenant le bras de Mme Blanche, il se dirigea du côté du « bocage. »

— Ah ! Marie-Anne avait un enfant, disait-il tout en hâtant le pas. Elle qui faisait tant sa Sainte-n’y-touche. Mais où diable a-t-elle mis le petit en nourrice ?…

— Je chercherai…

— Hum !… c’est facile à dire…

Un rire strident, qui retentit dans l’obscurité, l’interrompit. Il lâcha le bras de Mme Blanche et tomba en garde…

Précaution vaine. Un homme caché derrière un tronc d’arbre bondit jusqu’à lui, et par quatre fois le frappa d’un couteau, en criant :

— Bonne Sainte Vierge, voilà mon vœu rempli ! Je ne mangerai plus avec mes doigts.

— L’aubergiste !… murmura le traître en s’affaissant.

Pour une fois tante Médie eut de l’énergie.

— Viens ! dit-elle, folle de peur, en entraînant sa nièce, viens, il est mort !

Pas tout à fait, car le traître eut la force de se traîner jusqu’à sa maison et d’y frapper.

Sa femme et son fils cadet dormaient. Son fils aîné qui rentrait du cabaret vint lui ouvrir.

Voyant son père à terre, ce garçon le crut ivre et voulut le relever ; le vieux maraudeur le repoussa.

— Laisse-moi, dit-il, mon compte est réglé ; écoute-moi plutôt… La fille à Lacheneur vient d’être empoisonnée par Mme Blanche… C’est pour t’apprendre ça que je suis venu crever ici… Ça vaut une fortune, mon gars… si tu n’es pas une bête…