Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/467

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crits avaient réussi à se procurer, pendant leur séjour à la ferme, furent réunis et empaquetés. Enfin, la nuit venue, le fils Poignot commença le déménagement.

— Tout est à la Borderie, dit ce brave garçon, au retour de son dernier voyage, Mlle Lacheneur ne demande à M. le baron qu’un bon appétit.

— Et j’en aurai, morbleu ! répondit gaiement le baron. Nous en aurons tous !…

Dans la cour de la ferme, le père Poignot attelait lui-même son meilleur cheval à la charrette qui devait transporter M. d’Escorval.

Le brave homme était tout triste du départ de ces hôtes pour lesquels il s’était exposé à de si grands périls. Il sentait qu’ils lui manqueraient, qu’il trouverait la maison vide, qu’il regretterait peut-être jusqu’à ses soucis.

Il ne voulut laisser à personne le soin de disposer bien commodément dans la charrette un bon matelas.

— Allons !… voilà qu’il est temps de partir !… soupira-t-il quand il eut terminé.

Et lentement, il gravit l’étroit escalier du petit grenier.

M. d’Escorval n’avait pas prévu ce moment.

À la vue de l’honnête fermier qui s’avançait, rouge d’émotion, pour lui faire ses adieux, il oublia tout le bien-être qu’il se promettait à la Borderie, pour ne se souvenir que de la loyale et courageuse hospitalité de cette maison qu’il allait quitter. Son cœur se serra, et une larme roula dans ses yeux.

— Vous m’avez rendu un de ces services dont on ne s’acquitte pas, père Poignot, prononça-t-il, avec une gravité solennelle, vous m’avez sauvé la vie…

— Oh ! ne parlons pas de ça, monsieur le baron. À ma place, vous eussiez fait comme moi, n’est-ce pas, ni plus ni moins…

— Soit !… je ne vous dirai même pas merci. J’espère maintenant vivre assez pour vous prouver que je ne suis pas un ingrat.