Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/474

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L’abbé Midon, lui, s’était mis à genoux à la tête du lit, et il récitait les prières des morts, demandant à Dieu paix et miséricorde au ciel pour celle qui avait tant souffert sur la terre…

Mais il ne priait que des lèvres… Sa pensée, en dépit de sa volonté et de ses efforts d’attention, lui échappait.

Il se demandait comment était morte Marie-Anne…

Etait-ce un crime ?… Etait-ce un suicide ?

Car l’idée du suicide lui vint. Mais il ne pouvait l’admettre, lui qui jadis avait surpris le secret de la grossesse de cette infortunée, et qui savait qu’elle était mère, bien qu’il ne sût pas ce qu’était devenu son enfant.

D’un autre côté, comment expliquer un crime ?…

Le prêtre avait scrupuleusement examiné la chambre, et il n’y avait rien découvert qui trahit la présence d’une personne étrangère.

Tout ce qu’il avait constaté, c’est que son flacon d’arsenic était vide, et que Marie-Anne avait été empoisonnée avec le bouillon dont il restait quelques gouttes dans la tasse, laissée sur la cheminée.

— Quand il fera jour, pensa l’abbé Midon, je verrai dehors…

Dès que le jour parut, en effet, il descendit dans le jardin et se mit à décrire autour de la maison des cercles de plus en plus étendus, à la façon des chiens qui quêtent.

Il n’aperçut rien, d’abord, qui pût le mettre sur la voie, ni traces de pas ni empreintes.

Il allait abandonner ces inutiles investigations quand, étant entré dans le petit bois, il aperçut de loin comme une grande tache noire sur l’herbe. Il s’approcha… c’était du sang.

Fortement impressionné, il courut appeler le frère de Marie-Anne pour lui montrer sa découverte.

— On a assassiné quelqu’un à cette place, prononça Jean, et cela cette nuit même, car le sang n’a pas eu le temps de sécher.