Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/475

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D’un coup d’œil l’abbé Midon avait exploré le terrain aux alentours.

— La victime perdait beaucoup de sang, dit-il, on arriverait peut-être à la connaître en suivant ses traces.

— Je vais toujours essayer, répondit Jean. Remontez, monsieur le curé, je serai bientôt de retour.

Un enfant eût reconnu le chemin suivi par le blessé, tant les marques de son passage étaient claires et distinctes. Il s’était traîné presque à plat ventre, on le reconnaissait à l’herbe foulée et aux endroits où il y avait de la poussière, et en outre, de place en place, on retrouvait des taches de sang.

Cette piste si visible s’arrêtait à la maison de Chupin. La porte était fermée. Jean frappa sans hésiter.

L’aîné des fils du vieux maraudeur vint lui ouvrir, et il vit un spectacle étrange.

Le cadavre du traître avait été jeté à terre, dans un coin ; le lit était bouleversé et brisé, toute la paille de la paillasse était éparpillée, et les fils et la femme du défunt, armés de pelles et de pioches, retournaient avec acharnement le sol battu de la masure. Ils cherchaient le trésor…

— Qu’est-ce que vous voulez ?… demanda rudement la veuve.

— Le père Chupin…

— Tu vois bien qu’on l’a assassiné, répondit un des fils. Et brandissant son pic à deux pouces de la tête de Jean :

— Et l’assassin est peut-être dans ta chemise, canaille !… ajouta-t-il. Mais c’est l’affaire de la justice… Allons, décampe, ou sinon !…

S’il n’eût écouté que les inspirations de sa colère, Jean Lacheneur eût certes essayé de faire repentir les Chupin de leurs provocations et de leurs menaces…

Mais une rixe, en ce moment, était-elle admissible ?

Il s’éloigna donc sans mot dire, et rapidement reprit la route de la Borderie.