Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/476

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Que Chupin eût été tué, cela renversait toutes ses idées et en même temps l’irritait.

— J’avais juré, murmurait-il, que le traître qui a vendu mon père ne périrait que de ma main, et voici que ma vengeance m’échappe, on me l’a volée !…

Puis, il se demandait quel pouvait bien être le meurtrier du vieux maraudeur.

— Serait-ce Martial, pensait-il, qui l’a assassiné après qu’il a eu empoisonné Marie-Anne ?… Tuer un complice, c’est un moyen sûr de s’assurer de son silence !…

Il était arrivé à la Borderie, et déjà il prenait la rampe pour monter au premier étage, quand il crut entendre comme le murmure d’une conversation dans la pièce du fond.

— C’est étrange, se dit-il, qui donc serait là !…

Et, poussé par un mouvement instinctif de curiosité, il alla frapper à la porte de communication…

À l’instant même, l’abbé Midon parut, et retira brusquement la porte à lui. Il était plus pâle que de coutume, et visiblement agité.

— Qu’y a-t-il ? monsieur le curé, demanda Jean vivement.

— Il y a… il y a… Devinez qui est là, de l’autre côté…

— Eh ! comment deviner ?…

— Maurice d’Escorval et le caporal Bavois.

Jean eut un geste de stupeur.

— Mon Dieu !… balbutia-t-il.

— Et c’est miracle qu’il ne soit pas monté.

— Mais d’où vient-il, comment n’avait-il pas donné de ses nouvelles !…

— Je l’ignore… Il n’y a pas cinq minutes qu’il est là… Pauvre garçon !… Après que je lui ai eu dit que son père est sauvé, son premier mot a été : « Et Marie-Anne ? » Il l’aime plus que jamais… il arrive le cœur tout rempli d’elle, confiant, radieux d’espoir, et moi je tremble, j’ai peur de lui annoncer la vérité…

— Oh ! le malheureux ! le malheureux !…