Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/478

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— C’est que, ma foi !… je le pensais, approuva le vieux soldat.

— Pendant plus de cinq mois, poursuivit Maurice, nous nous sommes dit, en guise de bonsoir : « C’est demain qu’on viendra nous chercher. » Et on ne venait pas.

Nous étions, d’ailleurs, convenablement traités ; on m’avait laissé mon argent et on nous vendait volontiers certaines petites douceurs ; on nous accordait, chaque jour, deux heures de promenade dans une cour aussi large qu’un puits ; on nous prêtait même quelques livres…

Bref, je ne me serais pas trouvé extraordinairement à plaindre, si j’avais pu recevoir des nouvelles de mon père et de Marie-Anne et leur donner des miennes… Mais nous étions au secret, sans communications avec les autres prisonniers…

Enfin, à la longue, notre détention nous parut si étrange et nous devint si insupportable, que nous résolûmes, le caporal et moi, d’obtenir, quoi qu’il dût nous en coûter, des éclaircissements.

Nous changeâmes de tactique. Nous nous étions jusqu’alors montrés résignés et soumis, nous devînmes tout à coup indisciplinés et furieux. Nous remplissions la prison de nos protestations et de nos cris, nous demandions sans cesse le directeur ; nous réclamions l’intervention de l’ambassadeur français.

Ah ! le résultat ne se fit pas attendre.

Par une belle après-dîner, le directeur nous mit poliment dehors, non sans nous avoir exprimé le regret qu’il éprouvait de se séparer de pensionnaires de notre importance, si aimables et si charmants.

Notre premier soin, vous le comprenez, fut de courir à l’ambassade. Nous n’arrivâmes pas à l’ambassadeur, mais le premier secrétaire nous reçut. Il fronça le sourcil, dès que je lui eus exposé notre affaire, et sa mine devint excessivement grave.

Je me rappelle mot pour mot sa réponse :