Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/479

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« Monsieur, me dit-il, je puis vous affirmer que les poursuites dont vous avez été l’objet en France, ne sont pour rien dans votre détention ici. »

Et comme je m’étonnais :

« Tenez, ajouta-t-il, je vais vous exprimer franchement mon opinion. Un de vos ennemis, cherchez lequel, doit avoir à Turin des influences très-puissantes… Vous le gêniez, sans doute, il vous a fait enfermer administrativement par la police piémontaise… »

D’un formidable coup de poing, Jean Lacheneur ébranla la table placée près de lui.

— Ah !… le secrétaire d’ambassade avait raison, s’écria-t-il… Maurice, c’est Martial de Sairmeuse qui t’a fait arrêter là-bas.

— Ou le marquis de Courtomieu, interrompit vivement l’abbé, en jetant à Jean un regard qui arrêta sa pensée sur ses lèvres.

La flamme de la colère avait brillé dans les yeux de Maurice, mais presque aussitôt il haussa les épaules.

— Bast !… prononça-t-il, je ne veux plus me souvenir du passé… Mon père est rétabli, voilà l’important. Nous trouverons bien, monsieur le curé aidant, quelque moyen de lui faire franchir la frontière sans danger… Entre Marie-Anne et moi, il oubliera que mes imprudences ont failli lui coûter la vie… Il est si bon, mon père ! Nous nous établirons en Italie ou en Suisse. Vous nous accompagnerez, monsieur l’abbé, et toi aussi, Jean… Vous, caporal, c’est entendu, vous êtes de la maison…

Rien d’horrible comme de voir joyeux et plein de sécurité, tout rayonnant d’espoir, l’homme que l’on sait frappé d’une catastrophe qui doit briser sa vie…

Si désolante était l’impression de l’abbé Midon et de Jean, qu’il en parut sur leur visage quelque chose que Maurice remarqua.

— Qu’avez-vous ? demanda-t-il tout surpris.

Les autres tressaillirent, baissèrent la tête et se turent.